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Economie-Finances : analyse des promesses de la nouvelle gouvernance d’Alpha Condé et de son Gouvernement

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A 82 ans, Alpha Condé a été réélu pour un troisième mandat de 6 ans à la tête de la Guinée à l’issue de la Présidentielle du 18 octobre 2020 consécutive à un référendum controversé du 22 mars ayant permis de doter le  pays d’une nouvelle constitution. Officiellement élu sur la base d’un Programme de gouvernance qui fait la part belle à l’économie, celui qui a rallongé son bail à Sékhoutouréya, contre vents et marrées, a reconduit le Dr Ibrahima Kassory Fofana dans ses fonctions de Premier Ministre Chef de Gouvernement. A charge pour ce dernier de mettre en œuvre la politique de la nouvelle gouvernance du Chef de l’Etat qui a vendu à ses compatriotes l’idée d’une « prospérité partagée » pendant la campagne électorale et s’est engagé à « gouverner autrement » au lendemain de sa victoire.    

Dans son Programme de gouvernance 2020-2026, le Président Alpha Condé a affiché de grandes ambitions pour le secteur de l’Economie et des Finances. Lahidi en a répertorié près d’une cinquantaine de promesses que le Chef de l’Etat entend réaliser pendant son sextennat en cours pour la transformation économique de la Guinée. Des promesses auxquelles son Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana a mis du sien, à travers la Déclaration de politique générale de son gouvernement, qu’il a présentée le 7 avril 2021 à l’Assemblée nationale. 

Des promesses précises et chiffrées

Sur la trentaine de promesses du Président de la République se rapportant à l’économie et aux finances, seulement cinq sont faites de façon précise et bien chiffrée. Ce qui permettra facilement d’évaluer le niveau de leur réalisation à l'heure du bilan. Il s’agit des engagements de ‘’réserver 30% de toutes les commandes publiques à des entreprises de jeunes et/ou de femmes ; de mettre en place un fonds de soutien d’un montant de 25 milliards de francs guinéens en faveur des entreprises environnementales ; d’accorder un congé fiscal à toutes les start-up et juniors entreprises sur une période de 3 ans ; d’accroître les ressources de l’État de 6% sur la période 2020-2026 soit 1% du PIB par an et de réaliser effectivement d’ici 2030 des engagements d’investissement acquis entre 2010 et 2020, à hauteur d’au moins 25 milliards de dollars US’’

A ces promesses présidentielles on peut ajouter celles du Premier Ministre qui seront facilement évaluables. Il s’agit des engagements d’‘’allouer 10% des revenus fiscaux générés notamment par les services publics portuaires et aéroportuaires de Conakry à l’Agence de financement des communes de Conakry (AFICCON) ; d’élaborer la deuxième génération du Plan national de développement économique et social (ou PNDES II), couvrant la période 2021-2025 ; de conclure des contrats de performance avec l’ensemble des entités publiques impliquées dans l’effort de mobilisation des recettes, y compris certains établissements publics à caractère administratif (EPA) ; de doubler d’ici deux ans le niveau actuel des recettes internes et d’adopter  une loi qui va permettre de donner au Gouvernement des moyens juridiques pour neutraliser et sanctionner les spéculateurs’’.

 Des promesses approximatives

Dans leur majorité, les promesses du Président et du Premier ministre sont approximatives et même vagues pour certaines. Elles ressemblent à s’y méprendre à un catalogue de vœux pieux, tant elles tournent parfois autour des généralités sur le secteur de l’économie et des finances. C’est le cas notamment de la promesse de « poursuivre et renforcer les efforts économiques en cours… », mais aussi « d’augmenter substantiellement les ressources internes par un effort de mobilisation plus important des recettes intérieures pour lesquelles des mesures sont envisagées pour leur sécurisation »

Même la promesse de « mettre en place une planification plus optimale du développement dans la deuxième génération du Plan National de Développement Économique et Social (PNDES) 2021-2025, et une mobilisation plus efficiente des ressources financières internes et externes » souffre de clarté en termes d’objectifs à atteindre. Et quand l’un et l’autre s’engagent à « rendre le système financier local plus dynamique et accessible à toutes les catégories de la population » ou à « mobiliser suffisamment de ressources financières internes et externes, y compris les financements innovants », ils ne disent pas grand-chose. Tout comme ils nous laissent sceptiques sur leur réelle volonté à « éliminer les distorsions dans l’économie » et à « préserver le pouvoir d’achat des consommateurs ».

L’épouvantail des contrôles

Alors qu’ils sont reprochés de ne pas faire assez dans la lutte contre la corruption et ses pratiques assimilées, le Président Condé et son Premier ministre Kassory Fofana brandissent l’épouvantail de contrôles et des audits pour espérer moraliser la gestion de la chose publique guinéenne. Les promesses de « systématiser les contrôles et audits des agences », de « contrôler et auditer les ressources affectées aux collectivités et communautés à la base » et de « passer en revue toutes les sociétés de prestation, de fourniture de biens et services afin que celles qui sont affiliées à des ministres, des hauts cadres de l’Etat, de l’administration publique ou sont proches des familles de décideurs publics soient identifiées et disqualifiées dans le processus de passation des contrats et des marchés publics » s’inscrivent dans cette logique. Alors qu'en réalité, il n’en sera probablement rien. 

En effet, on voit mal comment un Président et un Premier ministre qui ont reconduit dans leur Gouvernement une Ministre accusée de détournement de pas moins de 200 milliards de francs guinéens vont pouvoir respecter leurs engagements de « réformer les mécanismes de passation des marchés et contrats publics », de « prendre des mesures de transparence et de sûreté pour notre économie » et de « porter la qualité des régies financières et les grands services de l’Etat aux normes et standards internationaux pour une certification en bonne et due forme ». 

Dans sa Déclaration de politique générale du gouvernement, le PM s’est notamment engagé à ‘’lutter contre l’évasion fiscale et à porter une attention particulière sur la régulation de la pratique des prix de transferts qui ont pour effet de faire échapper à l’impôt une part significative de la base taxable des entreprises, notamment les multinationales’’. Il s’est aussi engagé à ‘’lancer un audit fiscal  des grandes entreprises, notamment dans les secteurs des mines, des télécommunications, et des banques et assurances pour évaluer le potentiel fiscal véritable des secteurs concernés et à mettre un accent très fort sur la qualité de la dépense publique’’. Reste à voir comment tout cela va se concrétiser pour le bien du pays.

Quid du climat des affaires et de la diversification de l’économie…

Toujours prompts à vouloir charmer les institutions financières internationales comme la Banque Mondiale, le Fonds monétaire international et la Banque africaine de développement, le duo qui trône actuellement au sommet de l’exécutif guinéen s’engage théoriquement à améliorer durablement et qualitativement l’environnement des affaires du pays pour renforcer l’attractivité et la compétitivité de l’économie guinéenne. Un domaine dans lequel la Guinée a certes enregistré des progrès depuis 2010 mais pas à la satisfaction des hommes d’affaires évoluant dans le pays.  Le Président de la République et le Premier ministre Kassory promettent par ailleurs d’œuvrer pour une diversification de l’économie guinéenne afin de la rendre moins dépendante du secteur minier. Pour cela ils misent sur  l’agro-industrie, les technologies de l’information, les services, les économies bleues et vertes. Mais, ces différentes promesses n’engagent que ceux qui y croient. 

Clin d’œil à la diaspora guinéenne

Dans son lot de promesses, le Dr Ibrahima Kassory Fofana a tenu à faire un clin d’œil à la diaspora guinéenne à l’étranger. Il s’est engagé notamment à accompagner les initiatives d’investissement de celle-ci et de faciliter ses transferts de fonds pour le pays. Mais tout cela n’est possible sans un environnement juridique et sécuritaire qui fait tant défaut en Guinée. 


Cet article est produit avec notre collaborateur externe Bachir Sylla, Journaliste économique.




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