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BARRAGE DE FOMI : jusqu’à quand dans les tiroirs ?

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La construction d’un barrage hydro-électrique sur le fleuve Niandan (images d'illustration: maquette du barrage de Kaleta), à 32 Km en amont de son confluent le fleuve Niger, est un vieux projet dont on parle depuis 1922. A défaut de terminer sa construction, le président de la République, Alpha Condé, a promis dans son Programme de gouvernance 2015 – 2020 le démarrage de la réalisation physique de cet ouvrage. A moins de deux ans de la fin de son mandat, Lahidi.org a mené l’enquête sur le niveau de réalisation de cette promesse.

De la réalisation de la première étude de faisabilité sur la construction du Barrage par Electricité de France (EDF) en 1951 à nos juors, l’objectif principal du projet a beaucoup évolué. Il faut dire que depuis, pas moins de six études (faisabilités et/ou études d’impacts sociales et environnementales) ont été menées par le gouvernement guinéen, l’Autorité du Bassin du Niger (ABN) et la Banque Mondiale.

Initialement prévu comme un barrage uniquement hydro-électrique, aujourd’hui il devra au-delà de la production d’électricité (90 MW), assurer la régulation du débit du fleuve Niger pour une gestion durable des ressources en eaux des pays en aval (conclusion de l’étude commandé par l’ABN à ISL Ingénierie en 2006).  C’est ce qui explique d’ailleurs le fait que l’ABN ait fait de sa réalisation l’une de ses plus grandes priorités.

Où en sommes-nous ?

Selon un rapport de la Commission néerlandaise d’évaluation environnementale rédigé sur demande du ministère guinéen de l’Environnement, le gouvernement guinéen a signé un accord avec Yellow River Engineering Consulting (YREC) pour la construction du barrage de Fomi en septembre 2017. Nous n’avons pu avoir accès à aucun élément de cet accord mais depuis sa signature, les choses n’ont pas beaucoup évolué sur le terrain. YREC a lancé des travaux préparatoires comme la matérialisation de l’emplacement du barrage et la construction de logements pour les travailleurs. Lors de notre visite de terrain en novembre 2018 à Fölon, la localité où le barrage sera finalement construit, ces travaux étaient à l’arrêt et nous n’avons noté la présence d’aucun personnel de l’entreprise chinoise. Seul un vigile qui sécurise le chantier de la cité des travailleurs était visible. « Ils ont commencé la construction de cette cité pour répondre à la question de logement des  travailleurs qui viennent séjourner ici. On a appris que les ingénieurs sont tous allés en congé en Chine. On ne sait pas quand ils reviendront » a tenté de nous expliquer Fodé Condé, président des jeunes du district de Fölon.

Les coûts de construction du barrage ont doublé

N’ayant pas eu accès à l’accord signé entre le gouvernement guinéen et YREC, difficile de savoir combien va exactement coûter l’infrastructure. Mais si on se fie au montant annoncé à  « l’atelier de validation des études techniques finales de l’aménagement du barrage », organisé en juin 2017 par le ministère de l’Énergie et YREC, l’ouvrage coûterait 590 millions de dollars pour une durée d’exécution de 41 mois. Ce montant est le double de l’estimation de l’étude de 2006, reprise dans la fiche de projet réalisée par la Direction nationale de l’Énergie. « Le coût actualisé de l’opération de l’aménagement du barrage à buts multiples de Fomi est estimé à un montant total de 250 millions d’euros (base 2006) réparti entre le volet ouvrage de retenue (150 millions d’euros) et celui de l’énergie (99 millions d’euros) ». En guise de comparaison, le barrage de Kaleta (240 MW) a coûté 446 millions de dollars.

Comment peut-on expliquer  cette augmentation de près de 200% des coûts de réalisation sachant bien que les estimations de 2006 prennent en compte l’usage multiple du barrage ?  Autre question : d’où proviendront les fonds ? Là aussi, très peu de réponses. Mais en septembre dernier, M’bemba Kamano l’un des responsables du projet, a laissé entendre que la signature d’un accord de prêt entre la Guinée et la Chine jouera en faveur de la réalisation du projet. Toujours est-il que la construction du barrage de Fomi ne fait pas partie de la première liste de projets qui seront financés dans le cadre de cet accord. Il est donc nécessaire que le gouvernement guinéen apporte des réponses à toutes ces questions.

Des bénéfices au-delà de la Guinée

Aucun doute, par contre, ne plane sur les bénéfices que pourrait apporter la construction de ce barrage. Aussi bien que l’Autorité du Bassin du Niger (ABN) l’a inscrit comme priorité numéro 1 devant les projets de barrage de Taoussa au Mali et de Kandadji au Niger. Cela, à cause de « son potentiel de régulation du débit du fleuve Niger ». « Dans une région qui connaît une saison pluvieuse typiquement concentrée sur une période de seuls trois mois, la nécessité de retenir l’eau pour en maximiser la productivité et l’efficacité à la fois économique, sociale et environnementale est cruciale… La régulation du débit du cours principal du fleuve Niger permettrait d’augmenter le potentiel en irrigation et en production agricole pour assurer une plus grande sécurité et indépendance alimentaire de la région. Par exemple, le Plan d’Action de Développement Durable de l’Autorité du Bassin du Niger (8) estime que le barrage de Fomi permettrait un développement de l’irrigation de terres aménagées jusqu’au Niger (le pays) à la hauteur de 10 000 ha. La régulation du débit du fleuve Niger sur toute l’année permettrait aussi le développement de la navigation et le renforcement du commerce régional sur le fleuve », affirment  Luca Ferrini et Lucia Benavides.

Dans cet article publié en octobre 2018, ces deux experts plaident pour la transformation de ce projet national en projet régional d’intérêt commun car, estiment-ils, en plus d’éviter des conflits entre pays qui se partageant le fleuve, cela pourrait apporter « des bénéfices ‘invisibles’ de coopération et intégration régionale, de partage des coûts et des bénéfices, et de soutenabilité environnementale à long terme ».

Objectif initial du projet, le barrage hydroélectrique produira une puissance de 90 MW. Cela permettra sans doute d’assurer la desserte en électricité des préfectures de la Haute Guinée. Et avec le projet d’interconnexion électrique Guinée – Mali, cette électricité pourrait être aussi utilisée par le Mali.

Un projet qui ne fait pas l’unanimité

Malgré tous ces bénéfices, le projet de construction du barrage de Fomi ne fait pas l’unanimité. Et parmi ses plus grands détracteurs, se trouve la présidente du Parti Écologique de Guinée, Marie Madeleine Dioubaté. En décembre 2017, la candidate à l’élection présidentielle de 2015 a exposé ses griefs contre ce projet dans une tribune publiée dans la presse guinéenne. S’appuyant sur une des études d’impact environnemental et social (elle ne l’a pas citée avec précision), elle soutient que la construction du barrage va entraîner l’inondation de terres hautement fertiles, le déplacement de 48.000 personnes et le développement de maladies comme le paludisme, l’onchocercose, la balharziase… Et contrairement à ce qui est dit, « la fourniture d’électricité escompté est faible et ne couvrira pas les besoins de la population de la Haute Guinée, et les inconvénients pour celle-ci sont plus nombreux que les bénéfices », a-t-elle argumenté.

Pour terminer, elle pose l’énergie solaire comme une « alternative beaucoup moins coûteuse et respectueuse du bien-être et de la santé des populations ». L’exemple de la centrale solaire marocaine de NOOR Ouarzazate 1 est illustratif pour elle.  Construite avec presque le même coût que Fomi, cette centrale fournit 70 MW de plus que lui et cela en n’occupant moins 1% de la surface inondée par le barrage guinéen.

Evaluation de Lahidi

Les travaux préparatoires déjà effectués sont le signe d’une volonté politique de réaliser ce vieux projet. Mais sans lancement officiel des travaux par le gouvernement guinéen et, à défaut d’un calendrier précis des travaux, Lahidi estime que la promesse du président de la République de démarrer la réalisation physique de l’ouvrage de Fomi n’est pas encore tenue


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